La folie douce
La légende veut que sur le coin d’un comptoir en zinc, ces six artistes iconoclastes se soient accordés sur le nom de leur groupe avant même d’avoir écrit leur premier morceau : MIVA BOIKA
Deux mots, cinq syllabes qui résonnent et intriguent. Ceux qui ont déjà eu le plaisir d’assister à leurs prouesses scéniques sont d’ores et déjà dans la confidence. Pour les autres des pistes multiples sont encore à explorer.
Non ce n’est pas le nom d’une poétesse bulgare, ni celui d’un fleuve qui ondoie dans les plaines russes, encore moins celui d’une déesse tribale d’une contrée reculée. C’est un acrostiche joyeux fait des mots de cette maxime : Mieux vaut boire ici qu’ailleurs. MI-VA BO-I-KA
De toute façon, l’accueil est si chaleureux dans ce bar du bout de la terre qu’avec eux on est prêt à boire n’importe quand !
Ce pourrait être il y a trois siècles au regard des magnifiques flyers illustrés à la manière des histoires naturelles de Buffon qu’ils essaiment ici et là. Ce pourrait être au début du siècle suivant, à la vue des photos sépia qui foisonnent sur leur site. Ce pourrait être déjà demain lorsque l’on examine la pochette de leur CD 4 titres qui immortalise une rencontre du troisième type qu’ils ont faite, nous en sommes plus que persuadés. Ce pourrait être encore dans un futur proche et incertain, sans doute en 1984 à la table d’un certain Orwell avec comme fond sonore la ritournelle du jour des bébés, une de leurs créations qui pointe du doigt les dérives d’un monde déshumanisé où chacun se doit d’être parfait avant même d’être né.
Oui il semblerait bien que Miva Boïka ait inventé le futur antérieur !
Lorsque l’on franchit le pas de la porte de leur café du
bout du monde, univers délicieusement décalé empli de références littéraires
riches, autant vous dire qu’on ne veut plus mettre le nez dehors tant on est
séduit. Séduit tout autant par les membres du groupe que l’on croirait sortis tout
droit de l’imagination d’un romancier fantasque.
Prenons Arthur, l’excellent contrebassiste du groupe, avec son charme flegmatique et son chapeau haut-de-forme on l’imagine volontiers dans un jardin anglais partageant le thé avec le lièvre de Mars. Pour l’heure on le rencontre en compagnie de David percussionniste, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, une sorte de Youri Gagarine de la percussion.
A leur côté une violoniste diaphane mi-princesse tzigane aux
multiples jupons, mi-gorgone - ceux qui ont vu les yeux d'Eléonore comprendront - fait
jaillir de son instrument avec une facilité déconcertante la joie ou la
tristesse. Non loin d’eux, pieds nus, tel un prince de Perse, Nicolas plaque
ses accords sur sa guitare nous invitant au voyage sur son tapis volant qui
nous transporte aussi bien à l’est qu’au sud sur les traces des gens du voyage.
Et que dire de celle qui porte le doux prénom d’une vierge et un visage d’une beauté mutine à damner un saint. Lorsque Marie valse avec son accordéon ou se penche sur son piano nos cœurs s’affolent, le temps s’arrête, le pays des merveilles nous semble tout proche. Mais elle ne se contente pas de rayonner sur scène, elle fait de son plaisir le nôtre. C’est qu’elle sait communier Marie ! Vous dire qu’elle s’attèle également au travail de composition avec Nicolas, risquerait de vous faire succomber davantage.
Au centre de tout ce joli monde, Toma irradie de sa présence solaire. Il a beau écrire des textes sensibles et raffinés il n’en demeure pas moins un homme d’action. Sa présence scénique est énorme. Il habite tout l’espace (tiens me serais-je trompé de Youri ?). Sa voix puissante chante et nous enchante. Il aurait pu être un personnage de Tim Burton, intellectuel immortel au pays des esprits défunts, une sorte de Mr Jack à l’aise partout, mais toujours en quête du bonheur tant le monde qu’il habite et chérit peut être décevant. Mais ses facultés d’adaptation sont si grandes qu’elles lui permettent de sublimer ce monde qui l’entoure et de nous transporter dans son univers onirique où il est possible de mettre le feu aux abeilles pour en faire des étoiles et où ceux qui sont oubliés sur le bord de la route ont droit à leur revanche et leur dose de bonheur.
C’est d’ailleurs au bonheur que Miva Boika nous convie tout au long de sa prestation scénique. Que les chansons soient noires - comme celle de cet homme qui, pour l’amour de sa funèbre dulcinée, est prêt à tout même aux pires atrocités, ou comme celle de cet homme qui pour communier avec sa belle infidèle n’a pas hésité à la dévorer - n’empêche pas Miva Boika de nous faire rêver, de nous rendre heureux tout simplement.
Le public ne sait rester insensible à ce climat enchanté. S’enchainent
les trouvailles loufoques de mises en scène (Sophie Peduzzi professeur de théâtre s’est chargé de la mise scène) et les prouesses scéniques comme ce moment où le groupe propose au
public d’énoncer quelques mots et en fait une chanson savoureuse et entrainante
dans la seconde, avec une vivacité d’esprit bluffante. Emerveillement et
admiration se font entendre dans la salle !
Devant un public conquis, Miva Boika s’essaye aussi à l’exercice délicat de la reprise. Avec une classe infinie ils reprennent Girls & Boys de Blur faisant leur, ce juvénile hymne à la tolérance et cette exhortation à la désinhibition.
Que ce groupe anticonformiste nous invite encore à la débauche, on les suivra les yeux fermés loin de ce monde inepte et aseptisé qui n’est vraiment pas le leur. Avec eux c’est promis on sera dégueulasse !
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Pour connaitre les dates de concert vous avez l’embarras du choix :